Vertige

20 octobre 2008, 21h40
15 novembre 2008, 22h29

Je tourne, tête levée vers le ciel, les bras ouverts et les yeux fermés, comme un derviche qui prie Dieu, en tournant sur lui-même. Comme un centrifuge, mes pensées forment une masse au centre, se battent pour occuper la plus grande place. Je tourne, je tourne, je tourne, et le monde tourne avec moi. Le vertige me prend, ma tête ne tient plus, mon cou devient détendu sous le poids et mes cheveux me fouettent le visage. Je suis une toupie de la nature, je dessine la spirale d’une coquille d’escargot, un symbole antique qui représente l’éternité la plus complète. Au centre, l’axe, le pieu qu’est mon corps en mouvement, tandis que je continue ma rotation. Tant de révolutions dans une vie ; la terre qui tourne autour du soleil, sur elle-même, les saisons qui viennent et repartent, la lune qui s’arrondit et se creuse, mon corps qui saigne et ravale, le jour qui pointe et la nuit qui tombe. Se lever, se coucher, embrasser, rejeter, détester, aimer, les cycles continus d’une vie. Et encore après la vie, la mort et la renaissance, en fertilisant le sol pour qu’un arbre y pousse, qu’une fleur y grandisse, qu’un fruit y mûrisse, qu’il tombe et qu’un animal le mange, que des graines germent de nouveaux arbres, et tout cela continue, en de longs orbites sans fin. En tournant, j'incarne le mouvement de la terre, mes bras m'amplifient de plus en plus par la force de l’impulsion, j’accepte tout ce qui est là, l’air que je respire et l’eau que je pleure. En ouvrant les yeux, le monde tourbillonne, valse en sens inverse contre mes yeux, vide mes pensées et les re-remplit. Je m’arrête de tourner, le vertige me prend, je suis complètement déséquilibrée, mon corps veut tant reprendre les circonvolutions naturels, continuer la spirale éternelle, suivre le cycle. Pourquoi donc m’arrêter ? Pourquoi bloquer ces révolutions quand tout me pousse vers elles ? Un cycle est fait pour être suivi, un orbite ne doit pas être arrêté, une vie ne peut pas être gaspillée…